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Réflexions sur la question antisémite (essai français) Details
Sartre avait montré dans Réflexions sur la question juive comment le juif est défini en creux par le regard de l’antisémite. Delphine Horvilleur choisit ici de retourner la focale en explorant l’antisémitisme tel qu’il est perçu par les textes sacrés, la tradition rabbinique et les légendes juives.Dans tout ce corpus dont elle fait l’exégèse, elle analyse la conscience particulière qu’ont les juifs de ce qui habite la psyché antisémite à travers le temps, et de ce dont elle « charge » le juif, l’accusant tour à tour d’empêcher le monde de faire « tout » ; de confisquer quelque chose au groupe, à la nation ou à l’individu (procès de l’« élection ») ; d’incarner la faille identitaire ; de manquer de virilité et d’incarner le féminin, le manque, le « trou », la béance qui menace l’intégrité de la communauté.Cette littérature rabbinique que l’auteur décortique ici est d’autant plus pertinente dans notre période de repli identitaire que les motifs récurrents de l’antisémitisme sont revitalisés dans les discours de l’extrême droite et de l’extrême gauche (notamment l’argument de l’« exception juive » et l’obsession du complot juif).Mais elle offre aussi et surtout des outils de résilience pour échapper à la tentation victimaire : la tradition rabbinique ne se soucie pas tant de venir à bout de la haine des juifs (peine perdue…) que de donner des armes pour s’en prémunir.Elle apporte ainsi, à qui sait la lire, une voie de sortie à la compétition victimaire qui caractérise nos temps de haine et de rejet.
Reviews
Delphine HORVILLEUR est un rabbin (ou plutôt rabbine si l??on applique les recommandations académiciennes de la féminisation des fonctions, mais elle-même se dit rabbin) du mouvement juif libéral de France. De plus en plus médiatisée, elle vient d??écrire « Réflexions sur la question antisémite » (Grasset février 2019 160 pages).Paraphrasant Marx et Sartre qui s??intéressèrent à la question juive, elle livre ses propos sur la question antisémite. Après trois épigraphes de Kafka, Derrida et Sartre, elle définit dans son introduction l??antisémitisme par rapport au racisme. Selon elle, le racisme est une haine de l??autre pour ce qu??il n??a pas alors que l??antisémitisme recouvre la haine du juif pour ce qu??il a, ce qu??il a de plus que les autres qui en sont donc privés. Il n??est pas difficile de reconnaître dans cette dialectique de l??avoir et du non avoir (réexposée plus loin page 109) la trace du discours lacanien et donc de la psychanalyse.Quoiqu??il en soit, elle a choisi, à la différence de Sartre pour qui c??est l??antisémite qui créé le juif, de « retourner la focale » comme l??écrit son éditeur, en examinant comment l??antisémitisme est perçu par les textes sacrés (juifs), les écrits rabbiniques et les légendes juives. C??est dire d??entrée que ce livre ne comporte que des points de vue juifs et du reste, en dehors de Sartre, d' Houria Bouteldja et de deux sociologues américains, les auteurs contemporains cités ne sont que des juifs. Ce qui fait d??une part tout l??intérêt et le paradoxe (sûrement pas recherché, donc inconscient) de ce livre est que le regard porté par ces textes religieux ou ces auteurs juifs contemporains sur l??antisémitisme ne fait qu??accentuer le complexe de supériorité de cette communauté. Son autre intérêt est un autre paradoxe. Que l??on se réfère donc à l??épigraphe introductive de Kafka (« Qu??ai-je de commun avec les juifs, c??est tout juste si j??ai quelque chose de commun avec moi-même ? ») et à la dernière citation de Derrida du livre page 155 (« Si l??on pense savoir ce que c??est que d??être juif, on peut être sûr qu??il n??y en aura plus, puisqu??il n??y en a jamais eu »). S??adressant alors au lecteur (supposé antisémite par l??auteure elle-même), Delphine Horvilleur conclut : « Il suffit de faire croire au juif qu??il sait précisément à quoi sa judéité tient ! Et alors il n??y en aura plus. D??ici là je crains qu??il (l??antisémite) ne doive faire avec ». C??est très fort : l??antisémitisme n??a pas d??objet puisqu??il n??y a pas d??identité juive. Shlomo Sand nous a déjà joué la même partition.De l??introduction à la conclusion, il y a cinq chapitres ;Dans le premier intitulé « L??antisémitisme est une rivalité familiale », l??auteur prend appui sur le récit légendaire du livre d??Esther. Rappelons que tout est imaginaire dans ce livre, cette histoire n??ayant aucune réalité historique dans les archives du roi perse Artaxerxes. Dans la mesure où la Torah ne parle pas des Juifs mais des Hébreux, Mardochée le gentil (pas au sens juif mais au sens moral !) est le premier juif et Haman le méchant le premier antisémite. Or Mardochée descend de Saül le gentil et Haman descend d??Amalek le méchant bâtard incestueux de la lignée d??Esaü. Juste deux précisions : si j??ai bien compris l??antisémitisme est d??abord une histoire de rivalité entre juifs. Si Mme Horvilleur écrit « Cherchez le Juif, l??antisémite n??est jamais très loin », force est de constater que Haman est antisémite et juif quelque part. La revendication du juif pourrait-elle aller jusqu??à revendiquer le concept même d??antisémitisme ? Cela ne me surprendrait pas. Par ailleurs je rappelle que le livre d??Esther n??est pas autre chose qu??un gigantesque pogrom anti-perse fantasmé par des juifs de l??époque de son écriture.Le second s??intitule : « L??antisémitisme est un combat de civilisation ». Il va prendre appui sur le traité le plus raciste de tout le Talmud, le traité Abodah Zarah. Mais attention : pas question pour l??auteur de citer tous les passages qui visent ouvertement les non-juifs et qui emplissent des dizaines de pages du Talmud de Jérusalem. Pas question non plus de citer le traité dans sa version du Talmud de Babylone car il n??existe pas en français. Non, on ne retiendra pour les besoins de la démonstration que les folios 8 à 10 du traité dans sa version anglaise (éditions Soncino 1932). Il s??agit d??une histoire sortie de la tête de Juda le Prince qui est le héros de cette histoire et qu??on ne trouve même pas dans la michna du rabbinat français. Antonin le Pieux, empereur des Romains y est soumis de sa propre volonté au service du Rabbi avec une forte connotation sexuelle et la domination intellectuelle de Juda. Puis survient un futur circoncis (mais non converti au judaïsme) Ketya bar Shalom un soldat romain qui démontre à un autre empereur romain qui n??est pas nommé qu??il sera impossible à Rome de se débarrasser des Juifs car dans ce cas le monde s??effondrerait. Et Mme le rabbin de nous expliquer que le Juif est celui qui empêche la complétude, qui empêche de faire totalité, qui est un obstacle à la croissance et à la maîtrise du monde. Là on croit vraiment rêver (pages 72-74 et 127). Non seulement ce passage révèle un orgueil démesuré mais il passe allègrement sous silence le bolchevisme qui fut précisément la quintessence de cette aspiration à la totalité entraînant de sacrées « béances » ou « coupures » pour reprendre ses propres mots. Antonin et Ketya sont considérés de haut comme des justes. Le chapitre se conclut par une inévitable billevesée freudienne sur le complexe de castration, racine inconsciente de l??antisémitisme. Là je préfère m??arrêter de peur d??être coupé... de rire.Le troisième chapitre sans grand intérêt est intitulé « L??antisémitisme est une guerre des sexes » et est un prétexte pour attaquer Otto Weininger célèbre juif qui compara le juif au sexe faible, pour encenser Sartre et sa nouvelle « L??enfance d??un chef » ainsi que les élucubrations d??Adorno et d??Elizabeth Badinter. Avant de revenir sous forme métaphorique à la lutte du petit juif contre le Grand Goy avec la connotation sexuelle que cela sous-entend au travers de l??histoire de Resh Lakish le brigand gladiateur mâle et Rabbi Yohanan le rabbin au visage de femme (dans le traité Baba Metsia). Le sexe (surtout quand il est inverti) , est omniprésent dans le Talmud, voire dans les livres canoniques que sont le Cantique des Cantiques, certains Prophètes et le Zohar.Le quatrième chapitre est intitulé « L??antisémitisme est une bataille électorale ». Madame le rabbin glisse pudiquement sur la notion de peuple élu et de Révélation de la loi orale dès le Sinaï pour arriver (presque) à nous convaincre que les non-juifs accordent plus d??importance à l??Election que les juifs eux-mêmes.Le chapitre cinq intitulé l??excepsion (oui c??est bien un S) juive clôt l??ouvrage. A la page 133 il va bien sûr et sans surprise nous faire l??assimilation de l??antisionisme à l??antisémitisme. C??est d??actualité, autant enfoncer le clou jusqu??à la tête. Et on tombe dans le pathos le plus glamour dont on a l??habitude. On cite la survivante Loridan-Ivens : « Ils ne nous pardonneront jamais le mal qu??ils nous ont fait ». Question à Mme le rabbin : qui sont « ils » ? Les autres, tous les autres ? Et de rajouter : « La souffrance juive est archétypique et mise à part ». Bel aveu, Mme Le Rabbin. Tout en ne se gênant pas pour affirmer (page 134) qu??il y a un concours de souffrance. Pas de souci Mme le Rabbin, à ce jeu-là, vous serez toujours gagnante car le Droit positif est là pour ça.Terminons avec cette phrase qui illustre merveilleusement l??orgueil juif : « Le Juif est celui qui représente ou qui rappelle la fracture dont un groupe s??imagine qu??il pourra se passer » (page 145).Elle me fait penser à Léon Bloy pour qui le Juif était l??obstacle à franchir pour l??Humanité.On pourrait lui demander au nom de quoi ? Que répondrait-elle ? Que le Juif est un surhomme ? Non elle n??oserait pas aller jusque là tout en le laissant très fortement penser renvoyant au passage dos à dos l??extrême droite et l??extrême gauche à leurs chères études.Je vous recommande fortement la lecture de ce livre dont l??écriture et l'auteur sont brillants mais pas pour cette raison. Pour une raison simple : même moderne et libéral, le judaïsme rabbinique est le même depuis 1900 ans avec ses raisonnements circulaires et auto satisfaisants.Il ne fallait pas attendre du rabbin Horvilleur qu??il se pose les vraies questions puisqu??il (elle) avait déjà les vraies réponses
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